Depuis Riyad Solh, l’un des pionniers de l’Indépendance, jamais un homme politique sunnite libanais n’a eu le courage et la clarté de l’actuel Premier Fouad Siniora. Il vient de faire un diagnostic objectif de la situation, et de nommer les choses comme elles sont, mettant à nu le Hezbollah, devenu davantage une bande et une milice qu’une résistance.
Dans son discours, Siniora a affirmé que « l’Etat libanais ne tombera pas sous la pression des putschistes et le peuple libanais ne tolèrera aucun retour vers la terreur et le terrorisme. Le rêve démocratique vient d’être poignardé par le Hezbollah. Nous avons commis une erreur en croyant le discours du Hezbollah, qui affirmait que son armement était dirigé vers l’ennemi israélien. Or, aujourd’hui, le parti, devenu milice, considère Beyrouth comme un kibboutz israélien, et le peuple ne le lui pardonnera pas. Nous avons, ensemble, réussi à sortir la Syrie, et à vaincre Israël. Le résultat est que le Hezbollah nous a accusés de traitres. Que fait le Hezbollah sur la route de l’aéroport ? Tente-t-il de couper les ravitaillements de l’ennemi israélien ? » a ironisé Siniora.
Le Premier ministre a mis à nu le parti de Hassan Nasrallah, ainsi que le président du Parlement Nabih Berri, désormais partie prenante du conflit. A ce titre, « son rôle de meneur du dialogue national est révolu ». Siniora a rappelé avoir toujours « défendu l’armement du Hezbollah, sur la scène internationale. Désormais, après le retournement de ces armes contre les Libanais, la question de son armement s’impose et doit être résolue rapidement. Il ne peut plus y avoir des armes illégales au Liban », et Siniora charge l’armée libanaise de remplir cette mission.
Siniora a également rappelé que « l’Etat et le gouvernement libanais n’ont jamais déclaré la guerre au Hezbollah, mais ce dernier veut imposer sa vision à ses partenaires, et n’hésite pas à utiliser la force et à terroriser et à tuer les Libanais qui ne partagent pas son opinion ». Il est ainsi hors-la-loi. D’autant plus que « le parti veut dicter sa politique à l’Etat, se réserve le droit de déclarer la guerre, et d’accepter la paix en dehors de toute concertation avec l’Etat. Ce qui est inacceptable ». Siniora a ensuite « dénoncé la propagande du Hezbollah qui, à coups de mensonges, a accusé le gouvernement d’avoir fondé une milice sunnite ». Or, l’évolution sur le terrain a apporté un démenti cinglant à ces accusations. Il a rappelé que « le Hezbollah, grâce à sa puissance, est capable d’occuper Beyrouth en quelques heures, mais qu’il ne pourra jamais le soumettre ». La milice du Hezbollah, victime de son arrogance, a commis une erreur et est tombée dans son propre piège.
Après avoir mis à nu le Hezbollah, devant l’opinion publique libanaise, arabe et internationale, Siniora a également « coincé » le commandant en chef de l’armée, Michel Sleiman, dont le comportement ces derniers jours posent des interrogations légitimes. De nombreux Libanais l’accusent d’avoir laissé le Hezbollah gagner du terrain afin de s’imposer comme l’unique candidat à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, Siniora lui demande d’intervenir contre tout élément illégalement armé, et de lever par la force le sit-in et les tentes dressés au centre ville de Beyrouth. Siniora remet également entre les mains du commandement de l’armée la question de l’espionnage à l’aéroport de Beyrouth, et celle du réseau téléphonique parallèle développé par la milice du Hezbollah. Si Sleiman n’exécute pas ces ordres et ne démantèle pas le réseau téléphonique, il dévoilera son alliance avec le Hezbollah et se mettra tous les Libanais à dos, au risque de perdre toutes ses chances à la présidence. Au cas contraire, si l’armée intervient comme le lui demande le gouvernement légitime, elle gagnera l’estime de tous les Libanais et de la communauté internationale, et Sleiman sera automatiquement élu président.
Dans l’attente de l’évolution sur le terrain, et de connaître les intentions de Sleiman - celles du Hezbollah sont désormais connues - les prochains jours, il est légitime de constater que Fouad Siniora est l’homme politique de grande envergure que la communauté sunnite en particulier, et le Liban en général, n’ont jamais eu depuis Riad Solh, l’homme de l’Indépendance. Les Libanais devraient lui dire leur fierté, dimanche à midi, en respectant une minute de silence, munis de drapeaux libanais.