mercredi, août 29, 2007

Le soir de la disparition de Diana : un journaliste de l'agence Reuters se souvient...




Peu après minuit, le téléphone sonne chez moi. Après s'être excusé de me réveiller à cette heure tardive, un collègue de permanence à la rédaction de Reuters assène tout de go: "On signale un accident de la circulation à Paris et la police est persuadée que Diana était dans la voiture".



Ce fut le point de départ d'une nuit surréaliste et, selon toute vraisemblance, de la semaine la plus éprouvante de ma carrière de journaliste.



La mort de la "princesse du peuple", comme l'appela à l'époque Tony Blair, devait dominer la "une" de l'actualité de pratiquement tous les journaux de la planète dans les jours qui suivirent le 31 août 1997.



Sur le chemin de la rédaction londonienne, j'entends la radio annoncer le décès du compagnon égyptien de Diana, Dodi al Fayed, dans l'accident survenu dans le tunnel de l'Alma.Rien sur l'état de santé de la princesse.



Depuis quelques jours, les médias occidentaux traquaient la romance supposée de Diana avec le fils playboy du propriétaire du magasin Harrod's, qui venait de lui offrir une croisière très "people" en Méditerranée.



Mon premier réflexe est de contacter tour à tour le palais de Buckingham, celui de Kensington ainsi que le 10, Downing Street, pour obtenir des nouvelles sur Diana.Aucune réponse.



Bizarre, bizarre!



Alors que toutes les chaînes de télévision britanniques commencent à diffuser de Paris et Londres en direct, certains assurent avoir aperçu la princesse de Galles à l'entrée du tunnel, le bras en écharpe.J'accueille la nouvelle avec un soulagement, qui sera de très brève durée.



Un journaliste de Reuters accompagne le secrétaire au Foreign Office de l'époque, Robin Cook, en tournée en Asie. Vers 03h00 heure locale, ce collègue téléphone de l'aéroport de Manille."Tu es bien assis, Robert ?", lance David Llunggren, qui connaît mon émotivité en cas d'actualité "chaude".Il raconte que l'avion transportant le chef de la diplomatie britannique a été arrêté en pleine piste pour que le ministre et les journalistes soient "briefés" sur l'accident de Diana.Il ajoute: "On m'a demandé de te dire qu'il fallait s'attendre au pire".A l'arrière de l'appareil, David aperçoit le porte-parole du Foreign Office, de toute évidence effondré. "Elle est morte", lâche-t-il. "Vous pouvez répéter ?", demande un journaliste.Il s'exécute: "la princesse Diana est morte".La question fuse: "Peut-on donner l'information ?".Le porte-parole britannique refuse d'être cité de quelque manière que ce soit, expliquant qu'il appartient aux autorités françaises d'annoncer la nouvelle au monde.S'ensuit un échange entre David et moi sur la façon dont nous pourrions donner l'information sans encourir les foudres du Foreign Office.Le scoop nous avait été donné "off the record", ce qui signifiait, littéralement, qu'on ne pouvait pas en faire état dans nos dépêches.Etions-nous sûrs à 100% que le porte-parole britannique, à des milliers de km de l'Alma, savait la vérité ? N'était-il pas submergé par l'avalanche d'informations et de rumeurs qui déferlaient au même moment sur le sort de la jeune femme ?Nous avons finalement décidé de "retenir" l'information.



Dix ans plus tard, nous ne sommes toujours pas certains d'avoir fait le bon choix.Lorsque la Mercedes de Diana et de Dodi al Fayed émerge du tunnel de l'Alma sous les projecteurs des caméras de télévision, nous comprenons que ses blessures doivent être gravissimes.Je suis tout d'un coup pris de vertiges, n'ayant pratiquement rien ingurgité depuis dix heures. Il fallait renforcer les effectifs de reporters à Londres mais on était en plein week-end prolongé de fin d'été.J'ai alors téléphoné à tous les numéros disponibles - fixes, portables, conjoints, parents, colocataires, ... - de mes collègues. En vain.Grâce à Dieu, le chef des informations pour l'Europe est arrivé pour me prêter main forte.Quelques mois plus tôt, deux journalistes de Reuters avaient réussi à obtenir lors d'un déjeuner d'affaires le numéro de portable d'un haut fonctionnaire en poste au palais de Buckingham - à la condition expresse, toutefois, de l'utiliser en cas de très grosse urgence.J'ai appelé, appelé ce numéro, mais personne n'a décroché."Personne ne veut répondre. J'ai la conviction qu'elle est morte", lance mon supérieur.Une demi-heure plus tard, le décès était officiellement annoncé et j'envoyais sur les fils de Reuters le flash sur la disparition tragique de Diana à Paris.