Alors que le gouvernement libanais issu, de la majorité parlementaire de l’Alliance du 14 mars, refuse la participation du Liban au somment arabe de damas (29-30 mars) si le président de la République n’est pas élu auparavant, la Syrie tend un piège et invite le ministre démissionnaire des Affaires étrangères.
Un émissaire syrien vient de remettre au ministre libanais démissionnaire, Fawzi Salloukh, proche du Hezbollah, l’invitation au sommet arabe de Damas, une invitation qui aurait dû parvenir au président de la République. Mais faute d’élection et de président, la Syrie préfère inviter ses alliés au détriment du gouvernement qu’elle considère illégal et anticonstitutionnel.
Mais comment la Syrie a-t-elle manœuvré pour réussir à écarter le gouvernement de Beyrouth ?
Les principaux pays arabes, comme l’Arabie saoudite et l’Egypte, avaient conditionné leur participation à haut niveau au sommet de Damas à un changement de comportement syrien à l’égard de la présidence libanaise, prise en otage par les alliés de la Syrie à Beyrouth. Le Qatar aurait réussi une médiation consistant à obtenir une forte participation arabe au sommet, ce qui conforterait et rassurerait la Syrie et lui permettrait de « libérer » l’échéance libanaise. En contrepartie, Damas s’abstiendrait d’inviter des chefs d’Etat non arabes, comme les présidents iranien et turc notamment.
Cependant, cette « concession » syrienne faite au Qatar cache mal le durcissement de Damas, apparu au sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) tenu à Dakar. Hier soir, le ministre sénégalais des Affaires étrangères a accusé la Syrie de vouloir exporter la crise à l’OCI, le représentant de la Syrie, Fayçal Al-Mokdad, ayant protesté contre un projet de résolution soutenant le Liban et insistant sur la nécessité d’élire le président de consensus, Michel Sleiman, dans le respect des délais (25 mars). La Syrie ne veut pas entendre parler d’élections, ni de délais, encore moins de solution. Les tractations ont duré toute la soirée et une partie de la nuit, pour trouver un terrain d’entente. Parallèlement, les alliés de la Syrie au Liban (Nasser Kandil, Wiäm Wahhab, Sleiman Frangieh...) durcissent le ton et mènent une campagne particulièrement virulente contre Michel Sleiman, visant à le mettre hors course.
Par ordre chronologique, Damas a fait monter la pression à Gaza pour exploiter politiquement un drame humain que seuls les Palestiniens paient le prix. Il a ainsi réussi à inverser les priorités et à obliger les Arabes à se pencher sur le dossier palestinien au détriment du dossier libanais. Il a ensuite fait un semblant de concession, en écartant Mahmoud Ahmadinedhjad du sommet arabe, pour ne pas embarrasser les dirigeants du Golfe et s’assurer de leur présence. Après quoi, elle a bloqué une résolution concernant le Liban à l’OCI, avant d’inviter le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, l’homme du Hezbollah, pour représenter le pays du Cèdre. Ce faisant, ce dernier défendra la ligne politique de l’opposition, dictée par Damas...
La majorité parlementaire et les Libanais en général doivent, à présent, se méfier de la suite de la manœuvre. La Syrie pourrait en effet faire une nouvelle concession, le 25 mars, en laissant se tenir la session parlementaire, et en élisant le général Sleiman, pour satisfaire les conditions des pays arabes et réussir le sommet. Damas espère ensuite exploiter ses alliés pour bloquer les institutions libanaises, paralyser le futur président en l’empêchant de former le prochain gouvernement.