Contexte
L'un des résultats de l'Opération Paix en Galilée de 1982 est de repousser l'OLP hors du Liban Sud, région qui est utilisée comme base pour lancer des attaques contre le territoire israélien. Après avoir quitté le Liban, Yasser Arafat choisit un autre pays arabe, la Tunisie, pour y installer une nouvelle base pour l'OLP.
Le 25 septembre 1985, 3 civils israéliens sont assassinés sur leur yacht au large de la côte chypriote. L'unité d'élite de l'OLP, la Force 17, revendique l'attaque. Le cabinet israélien décide alors immédiatement de répondre à cette provocation et choisit de viser les bureaux de l'OLP à Hammam Chott (au sud de Tunis).
Déroulement de l'opération
Le 1er octobre, à 7 heures du matin, 10 F-15 Eagles décollent en direction de la Tunisie (2 d'entre eux ne sont pas chargés de bombes) pour une mission longue visant un objectif distant de 3000 kilomètres. Le ravitaillement des avions se fait en vol à mi-chemin vers 10 heures.
Les avions ne trouvent aucune opposition pour les empêcher de pénétrer l'espace aérien tunisien et de bombarder de façon chirurgicale le quartier-général de l'OLP en bord de mer d'où Arafat est absent (car se recueillant sur la dépouille de l'ancien ministre tunisien Abdallah Farhat). Israël revendique le décès d'une soixantaine de militants de l'OLP dont des dirigeants de la Force 17 et précise avoir cherché à éviter toute victime civile. L'OLP et le gouvernement tunisien accusent Israël d'avoir tué des civils.
Après le raid
Réactions tunisiennes
La question qui préoccupe dès lors le président Habib Bourguiba, ami fidèle des États-Unis, demeure la position de ce pays vis-à-vis du raid à un moment où l'opposition tunisienne, toutes tendances confondues, reproche au gouvernement son alliance avec Washington et exige la rupture des relations diplomatiques avec les États-Unis, où le sentiment anti-américain se renforce dans l'opinion publique exaspérée par le manquement des médias vis-à-vis de la couverture de la tragédie[1] et où le différend avec la Libye ainsi que la situation sociale du pays risquent de mettre le feu aux poudres. La Maison Blanche approuve en effet, le jour même de l'attaque, le raid israélien en le qualifiant de « légitime contre des actes de terrorisme. Pour la politique des États-Unis, des représailles contre des attaques terroristes sont une réponse légitime et une expression d'autodéfense. D'après les informations préliminaires dont nous disposons, cela semble être le cas », déclare le porte-parole de la Maison Blanche, Larry Speakes, qui tient à ajouter à la fin de sa déclaration « que par principe, une réponse appropriée à des actes de terrorisme est un acte légitime d'autodéfense. » Bourguiba, préoccupé par le rôle qu'auraient joué les États-Unis dans l'opération et étonné par la position américaine aurait déclaré à l'ambassadeur américain à Tunis qu'il avait fait convoqué au lendemain de l'agression : « Je suis dans la situation d'un homme qui a toujours cru à la fidélité de son épouse, qui découvre au terme de cinquante années qu'il a été trompé et qui se demande s'il n'a pas été trompé depuis le début » (Le Quotidien de Paris du 4 octobre). Mahmoud Mestiri, numéro deux de la diplomatie tunisienne, demande, le 2 octobre, aux États-Unis de « reconsidérer leur position négative et inattendue vis-à-vis de cette agression, position qui est en contradiction avec la loi et la morale. » Répondant à la demande, Washington finit par réviser son jugement. Tout en exprimant sa « compréhension » envers l'opération israélienne présentée comme une « expression d'autodéfense », la Maison Blanche s'abstient de reprendre ses affirmations du 1er octobre présentant le raid comme légitime. « Une révision qui n'est pas un revirement mais nuance les termes de la première prise de position. Le porte-parole de la Maison Blanche a d'ailleurs nié toute modification de l'attitude américaine » commente le journal Le Soir (3 octobre).
Résolution 573
Des négociations sont rapidement entamées sur un texte de résolution. Elles aboutissent à une résolution ne mentionnant pas les Palestiniens et condamnant le raid sans toutefois s'attaquer directement à son auteur. Suite aux pressions internes aux États-Unis, à la condamnation ferme des Européens et à l'intervention de Bourguiba, les États-Unis optent pour l'abstention. Le texte adopté par 14 voix et 1 abstention[2], outre la condamnation de l'attaque, demande des compensations financières pour les dommages subis par la Tunisie et exige des États membres des mesures pour éviter la répétition de cette agression. À cela, Mestiri répond : « Certes, nous aurions souhaité la condamnation directe d'Israël mais plusieurs pays occidentaux et même latino-américains, et pas seulement les États-Unis, ont toujours été réticents pour accepter une formulation qui revêt, de leur point de vue, des implications politiques et juridiques complexes » (Réalités du 11 octobre). Toutefois, cette résolution ne manque pas de provoquer une réaction d'hostilité de la part d'Israël qui, dans une déclaration du 21 novembre dont elle demande l'intégration dans le rapport du secrétaire général de l'ONU sur l'application de la résolution, considère le texte comme « totalement inacceptable » et, en particulier, rejette « l'usage impropre des termes acte d'agression et acte d'agression armée. »
En décembre, la Tunisie présente à l'ONU un rapport détaillé sur les dégâts causés par le raid israélien. Dans ce rapport de 127 pages, élaboré par une commission d'enquête spéciale constituée par le gouvernement, la Tunisie avance le chiffre de 68 morts (50 Palestiniens et 18 Tunisiens) et 5 432 125 dinars de dégâts matériels. Le gouvernement tunisien se réserve « le droit de réclamer des dommages et intérêts pour violation de sa souveraineté et atteinte à son développement économique et social » compte tenu du fait que, selon la commission, il est impossible d'évaluer l'ampleur du préjudice subi. Toutefois, la partie de la résolution estimant que la Tunisie a droit à « des réparations appropriées suite aux pertes en vies humaines et aux dégâts matériels dont elle a été victime » restera lettre morte.